D’Aphrodite au biopouvoir, les dispositifs de la sexualité connaissent des formes multiples et produisent des identités variées dans le temps et dans l’espace. Alors qu’elles ont souvent servi de prestigieux modèles pour légitimer des pratiques et des normes actuelles (« le » droit, « la » démocratie, « la » philosophie), la Grèce et Rome peuvent aussi et surtout permettre de déconstruire des catégories dont on oublie trop souvent la dimension historique et dynamique. En tant qu’elles sont des sociétés before sexuality, selon l’expression de David Halperin, l’étude des sociétés grecque et romaine permet de jeter du « trouble » dans le genre et de la sexualité, de « tordre » les essentialismes et les fixités, de les « queeriser » au sens étymologique du terme comme dans son sens contemporain. Deux démarches, au moins, permettent de recourir au passé pour (re)penser les normes actuelles des identités et de la sexualité. Une première consiste à se saisir d’objets et de thèmes antiques pour produire un nouveau discours et jouer avec les formes et les images, et toutes les potentialités émiques qu’elles contiennent. Une autre consiste à reprendre à nouveau frais nos approches des pratiques culturelles grecques et romaines, des sociétés que l’historiographie des XIXe et XXe siècle a souvent construites à son image. On découvre alors, par un processus de comparaison différentielle, des catégories antiques bien plus fluides qu’on ne l’imaginait, source d’inspiration pour l’art, la politique et la littérature.
Comment les sexualités antiques ont-elles fait l’objet d’appropriations, de transformations ou de « révisions » dans les périodes post-classiques ? Comment le retour aux Anciens durant la Renaissance européenne a-t-il eu pour effet de transformer les formes d’expression grecques et romaines de l’amour et de désir entre personnes de même sexe dans les arts ? Quel rôle joue la queerness antique dans l’expression discursive et artistique de l’« homosexualité » masculine et féminine au XIXe siècle ? Comment les normes culturelles des Anciens en matière érotique ont-elles été utilisées, transformées ou revendiquées dans les mouvements politiques LGBTQ+ au XXe siècle ? Comment, plus largement, la dimension queer de l’Antiquité a-t-elle été reçue à travers le temps ? Telles sont les pistes et les perspectives que ce colloque international et le workshop doctoral se proposent d’ouvrir.